Pourquoi manger du poisson deux fois par semaine ?
1 Déc, 2020
Saviez-vous que l’ANSES, dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS), conseille de manger du poisson deux fois par semaine (dernières préconisations de 2019) ? De plus, elle conseille d’alterner la consommation de poisson gras et de poisson maigre. Ces objectifs semblent compliqués à atteindre lorsque l’on sait que seulement 30% des personnes entre 18 et 54 ans atteignent ces recommandations (Torres M.J. & al., 2019). Pourtant, le poisson a de nombreux avantages nutritifs à revendre, et l’impact positif de sa consommation sur la santé n’est plus à démontrer. Après avoir fait un tour des bienfaits du poisson sur l’organisme, on verra plus précisément d’où proviennent ces bienfaits au niveau des nutriments. Vous verrez qu’il s’agit surtout d’une histoire de lipides, et que les fameux Oméga 3 n’y sont pas pour rien.
Vous aimez le poisson ? En tous cas, votre corps, lui, l’aime !
Tout d’abord, on peut dire que le poisson est une très bonne source de protéines avec un taux de protéines en moyenne presque aussi élevé que celui de la viande. Les protéines du poisson permettent le bon fonctionnement de l’organisme car elles apportent l’ensemble des acides aminés essentiels. Ces acides aminés sont dits essentiels car ne pouvant provenir que de notre alimentation (notre corps n’en produit pas naturellement). De plus, une portion de poisson est généralement moins grasse et moins calorique qu’une portion de viande. Remplacer une portion de viande par une portion de poisson dans la semaine est donc un bon moyen de diminuer l’apport calorique global.
Mais le poisson est surtout reconnu pour sa forte teneur en acide gras polyinsaturés (AGPI) dits Omega 3. Ceci est encore plus le cas dans les poissons gras comme le saumon, le hareng ou le maquereau par exemple. Parmi ces Omega 3, certains, appelés EPA et DHA, ont un rôle très important pour l’organisme et ont des impacts positifs sur la santé prouvés scientifiquement. Ainsi le DHA joue un rôle important dans le bon fonctionnement du cerveau, prévient l’apparition de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), prévient l’apparition de maladies neurodégénératives (perte de mémoire par exemple) et protège le système cardiovasculaire. De son côté l’EPA a un rôle protecteur du système cardiovasculaire et permet, avec le DHA, de réguler les réactions inflammatoires (Guesnet P. & al., 2005). De plus, tous deux joueraient un rôle protecteur face à certains cancers.
Enfin, le poisson est riche en micronutriments indispensables au bon fonctionnement de l’organisme. C’est le cas notamment des minéraux tels que le phosphore, le calcium, le fer ou le potassium, des oligo-éléments tels que le sélénium, le cuivre et l’iode. De même, la chaire des poissons est riche en vitamines B, et pour les poissons gras en vitamines D et A. Les micronutriments, participent au bon fonctionnement de votre organisme en permettant aux réactions chimiques corporelles d’avoir lieu. L’iode par exemple assure le bon fonctionnement de votre tyroïde en permettant la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Le poisson est une source importante des micronutriments cités précédemment cependant ça n’est pas le seul aliment dans lequel vous pouvez retrouver ces micronutriments.
Le cas Omega 3 : on vous explique tout
Les Oméga 3 sont des AGPI dits essentiels car ne pouvant être apportés à l’organisme que par notre alimentation. Ils forment avec les acides gras Oméga 6 la deuxième famille d’acide gras que les mammifères ne peuvent synthétiser. Il faut se représenter les AGPI comme une chaîne d’atomes de carbone plus ou moins longue. L’EPA et le DHA sont deux types d’Oméga 3 dits à longue chaîne (car ils sont rallongés dans l’organisme pour pouvoir jouer un rôle spécifique). Il existe deux moyens de fournir l’organisme en EPA et DHA. Soit il faut les fabriquer dans notre organisme à partir d’Oméga 3 plus courts puisés dans notre alimentation, soit d’aller les chercher directement dans l’alimentation. Pour synthétiser de l’EPA et du DHA dans l’organisme il faut aller chercher de l’ALA (acide alpha-linolénique) dans notre alimentation et le rallonger. L’ALA est l’Oméga 3 le plus court et c’est un acide gras qui est synthétisé par les plantes et que l’on retrouve chez les animaux qui consomment ces plantes. On le trouve aussi en grande quantité dans certaines graines comme la graine de lin ou de colza ou dans certains fruits secs comme la noix. Pour trouver de l’EPA et du DHA dans l’alimentation, il faut s’orienter vers le poisson (surtout les poissons gras) ou les huiles de poisson (compléments alimentaires par exemple). Naturellement, on retrouve aussi ces AGPI dans certaines algues et dans les fruits de mer en général mais en moins grande quantité. La teneur en DHA et EPA du poisson dépend grandement de son alimentation, en se nourrissant de proies qui elles même se nourrissent de micro-algues, il va concentrer les Oméga 3 dans sa chaire. Ainsi un poisson d’élevage n’aura de bonnes quantités d’EPA et de DHA uniquement s’il est nourri en conséquence.
Si l’organisme peut fabriquer de l’EPA et du DHA à partir d’ALA présent dans notre alimentation, pourquoi manger du poisson ? La première raison à cela est que le taux de conversion de l’ALA en EPA puis en DHA est très faible ce qui signifie que l’organisme ne peut pas synthétiser autant d’Omega 3 à longue chaîne qu’il ne faudrait. L’apport d’EPA et de DHA par l’alimentation va permettre de compléter l’apport en Oméga 3 global dont l’organisme a besoin. La seconde raison à cela vient du fait du déséquilibre qu’il existe dans notre alimentation concernant les apports en AGPI essentiels. Nous consommons relativement trop d’Oméga 6 par rapport aux Oméga 3. Les Oméga 6 se retrouvent en grande quantité dans l’huile de tournesol et de maïs par exemple et dans les produits gras transformés (chips, plats préparés…), on les retrouve aussi dans les viandes issues d’animaux nourris au maïs ou au soja. Comme les Oméga 3, ils jouent un rôle indispensable pour l’organisme à condition qu’ils ne soient pas consommés en excès. Car dans l’organisme, les Oméga 6 rentrent en compétition avec les Oméga 3 ce qui entraîne, en cas de déséquilibre, une inhibition de l’effet positif de ces derniers. Le rapport Oméga 6/Oméga 3 devrait être équivalent à 5, il était de 9,3 pour la population Française en 2014 (Tressou J. & al., 2016). Une solution pour diminuer ce ratio consiste à limiter l’apport en Oméga 6 ou encore augmenter l’apport en Oméga 3. Il semble que le manque d’apport en ALA, EPA et DHA soit le responsable de ce déséquilibre (Tressou J. & al., 2016). Une raison de plus pour augmenter sa consommation de poisson ou autre apporteurs d’Oméga 3.
Quelques astuces manger du poisson plus de fois par semaine
L’ANSES recommande de manger du poisson deux fois par semaine en alternant poisson gras et poisson maigre. Voici un tableau des espèces les plus consommées en France qui va vous permettre de mieux comprendre cette classification.
L’alternance permet de varier les plaisirs, et permet également d’éviter la surexposition de certains polluants pouvant être présents chez les poissons gras sauvage (méthyl-mercure). Il faut également savoir que les poissons maigres vont stocker leurs réserves de lipides dans d’autres parties de leur corps, c’est le cas pour le cabillaud qui va stocker ses réserves de lipides dans son foie, d’où les teneurs élevées en Oméga 3 du foie de morue.
L’ennemi absolu des acides gras DHA et EPA est l’oxygène. En effet, lorsqu’ils sont exposés trop longtemps à l’air libre, une réaction dite d’oxydation à lieu et leurs effets positifs sur l’organisme est perdu. Le poisson a un goût « rance ». Ceci est d’autant plus vrai pour les poissons gras qui vont se dégrader plus rapidement. Pour cela il existe plusieurs manières de conserver le poisson et d’éviter la dégradation de l’EPA et du DHA.
Ces indications supplémentaires peuvent vous aider à varier votre consommation de poisson. Le poisson frais est un produit de plus en plus onéreux et il est important de savoir qu’il existe des alternatives ayant les mêmes qualités nutritionnelles. Des espèces comme le hareng sont des bons moyens de manger du poisson sans se ruiner mais en conservant une qualité nutritionnelle importante. Un autre paramètre joue sur le prix, c’est la saisonnalité des poissons. Les stocks de poissons pêchés varient en fonction des saisons, et les prix s’en font tout de suite ressentir. Il est important d’avoir des bonnes relations avec son poissonnier pour avoir les meilleurs conseils en termes de qualité et de prix !
La consommation de poisson a un impact positif sur l’organisme par l’apport de nutriments essentiels. C’est notamment sa remarquable teneur en acide gras polyinsaturés de type Oméga 3 qui font de cet aliment un incontournable du bien-manger. Même si le poisson est une ressource plutôt chère, il existe de nombreux moyens d’en consommer à des prix abordables. C’est en faisant attention à la saisonnalité des produits et à leurs modes de conservation qu’il est possible de manger du poisson toute l’année sans se ruiner. Des alternatives existent sous forme de compléments alimentaires soit issus d’huiles de poissons soit d’huiles d’algues. L’assimilation des Oméga 3 dans notre organisme est un processus lent à l’âge adulte, c’est grâce à des apports réguliers sur le long terme que l’on peut prévenir de certaines maladies liées à l’âge. Il est donc important d’essayer d’atteindre les recommandations de l’ANSES pour satisfaire les besoins de votre corps.
ANSES (2010), Consommation des poissons, mollusques et crustacés : aspects nutritionnels et sanitaires pour l’Homme, Décembre 2010, Edition Scientifique Guesnet P., Alessandri J.-M., Astorg P., Pifferi F., & Lavialle M. (2005). Les rôles physiologiques majeurs exercés par les acides gras polyinsaturés (AGPI). Oléagineux, Corps gras, Lipides, 12(5‑6), 333‑343. https://doi.org/10.1051/ocl.2005.0333 Tressou J., Pasteau S., Darrigo Dartinet S., Simon N. & Le Guillou C. (2016), Données récentes sur les apports en acides gras des Français, OCL 2016, 23(3) D303 Torres M.J., Salanave B., Verdot C. & Deschamps V. (2019), Adéquation aux nouvelles recommandations alimentaires des adultes âgés de 18 à 54 ans vivant en France : Étude Esteban 2014-2016. Volet Nutrition – Surveillance épidémiologique, Saint-Maurice : Santé publique France, 2019, 8 p., Disponible à partir de l’URL : www.santepubliquefrance.fr
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