Attentes, craintes, opportunités et espoirs sur la vie à la retraite

3 Déc, 2020

La retraite est une nouvelle étape de la vie dans la continuité des deux grandes premières. Pendant les vingt-cinq premières années, c’est le temps de la formation : développement de l’individu, apprentissage scolaire puis professionnel, chacun est dépendant économiquement, affectivement et relationnellement parlant. Vient ensuite le temps de l’âge adulte, entre 25 et 60 ans, marqué par la production économique, la création de biens ou de services mais aussi la construction familiale. A l’approche de la retraite, c’est une troisième période de vie qui s’ouvre avec autant d’opportunités que de menaces auxquelles il est nécessaire de réfléchir en amont.

Historique et évolutions de la retraite

Pour mieux comprendre son sens et la vision que l’on en a aujourd’hui, il est intéressant de connaître les origines et évolutions de la retraite au cours de l’Histoire. Le terme retraite ne désignait pas au départ la pension mensuelle touchée après une vie de travail. Cela représentait un temps, souvent à un âge mûr, réservé à des privilégiés qui pouvaient se permettre de vivre sans travailler, au cours duquel ils s’éloignaient de la société pour s’isoler et trouver leur bonheur. Cette pratique s’est par la suite démocratisée sous les empires grecs et romains, avec des périodes de retraites (toujours réservées à des privilégiés) durant lesquelles il était possible de profiter de son temps libre, dans un endroit aimé et pour faire ce qui nous plaisait : le mythe de la retraite fait son apparition.

Retraite historique : Isolement, réflexion attentes et opportunités
En France, cette forme de retraite est remise au goût du jour pendant les Lumières, avec cette possibilité pour les artistes et philosophes de s’isoler, de s’inspirer et d’aspirer au bonheur. Cependant, la retraite comme nous la connaissons aujourd’hui (à savoir une pension touchée après une vie de travail) n’apparaît que progressivement dans le reste de la population. Tout d’abord pour les militaires sous l’ancien régime, puis petit à petit pour les fonctionnaires, les cheminots et les ouvriers au XIXe siècle. C’est à l’après-guerre (en 1945) que la retraite comme nous la connaissons fait son apparition, en intégrant la Sécurité Sociale créée à l’époque. L’âge de la retraite est fixé à 60 ans mais dans les faits, l’âge moyen de départ à la retraite se situe autour de 65 ans. En effet, avec une cotisation minimale de 30 ans et un départ à 60, un employé ne touchait que 20% de son salaire comme retraite alors qu’il avait la possibilité de la bonifier de 4% supplémentaire par année travaillée entre 60 et 65 ans … Avec une espérance de vie en 1960 de 67,2 ans pour les hommes et 74,3 ans pour les femmes, on ne bénéficiait de la retraite que pour une durée souvent très limitée. On parlait régulièrement de « revenu vieillesse » plus que de retraite à cette époque.

Aujourd’hui, avec l’allongement de la durée de vie, c’est en moyenne 26 ans pour les femmes et 21 ans pour les hommes de temps à la retraite pour profiter de ses vieux jours (Isabelle Frain, 2019). L’histoire de la retraite et de son évolution a créé de nombreux stéréotypes qui perdurent encore de nos jours.

La retraite et les retraités : des stéréotypes paradoxaux

De nombreux stéréotypes découlent de cette histoire de la retraite et des retraités dont il faut s’extirper pour créer sa propre retraite. La première vision des retraités est celle de la vieillesse, de la perte d’autonomie, de perte de vitalité voire d’attente de la mort. Ces idées préconçues se sont particulièrement popularisées avec des discours d’Alfred Sauvy au XXe siècle et dont il est difficile de se défaire aujourd’hui. Cependant, la vérité est toute autre avec de réels groupes d’individus distincts au sein de la retraite. L’arrivée des baby-boomers à l’âge de la retraite tend d’ailleurs à bousculer ces préjugés avec l’apparition d’une génération en meilleure forme que leurs aînés au même âge, plus connectés et avec de nouvelles aspirations pour leur retraite (Eloria Vigouroux-Zugasti, 2014).

Il est important de s’extraire de ces discours, et, de fait, de ne pas faire du moment du passage à la retraite un marqueur du vieillissement : on ne devient pas vieux du jour au lendemain, au moment de notre nouveau statut de retraité. C’est évidemment une étape qui peut nous faire réfléchir à notre situation mais « Le vieillissement apparaît comme une progression très graduelle dont on ne prend conscience que par intermittence » comme l’indiquait Bernadette Puijalon & Jacqueline Trincaz (2000). Chacun vieillit un peu plus tous les jours, mais ce n’est pas pour autant une mauvaise chose. Il est important de voir les aspects positifs comme négatifs de ce vieillissement, et de réfléchir régulièrement à ses limites comme à ses nouveaux avantages acquis ! S’il est important de casser cette image du vieux retraité, il est tout autant indispensable d’éviter le jeunisme poussé par une société ayant peur de vieillir. Comme l’écrit Isabelle Donnio (2016) « nous voulons vivre longtemps, et quand l’un d’entre nous meurt, c’est toujours trop tôt, même s’il est déjà vieux, mais avons-nous envie de vieillir ? ». Réfléchir et accepter ce processus, avec ses avantages comme ses inconvénients, c’est se donner les moyens de s’ajuster au mieux à sa propre situation d’Être vieillissant.

Attentes à la retraite : Lire et profiter de son conjoint

A contrario d’une vision négative de la retraite associée à une image faussée, la retraite en tant que telle peut renvoyer une image beaucoup plus positive et non angoissante. Revenant à la toute première version de la retraite de l’histoire, l’image dégagée aujourd’hui peut être celle d’un temps de bonheur, durant lequel on peut faire ce que l’on veut grâce à son temps libre et, enfin, la fin du travail. Pour autant restons vigilant pour ne pas substituer à un risque d’image négative une injonction au bonheur obligatoire à la retraite. Pour cela il est important de pouvoir communiquer autour de ses propres craintes : la vie à la retraite amène bien entendu des avantages mais aussi possiblement des difficultés. Ce sont ces espoirs et ces craintes auxquels il faut réfléchir en amont pour mieux les embrasser pour les uns et pour mieux les affronter pour les autres.

Craintes et espoirs de la retraite

A l’approche du départ à la retraite, de nombreux questionnements apparaissent assortis de craintes et d’espoirs pour cette nouvelle période de vie. Ces craintes et ses espoirs sont propres à chacun et diffèrent selon sa vie professionnelle, ses évolutions, son domaine et son niveau d’activité, ainsi que selon la place que le travail a pris dans sa vie. C’est un passage dans une période de vie qu’il faut investir avec « un environnement nouveau d’insertion sociale, de valeurs, de repères identitaires » (Alaphilippe et al. 2011). Ainsi, les cadres supérieurs et les personnes ayant beaucoup évolué durant leurs carrières auront tendance à avoir de plus nombreuses craintes mais également de plus nombreux espoirs pour le départ à la retraite. A contrario, les employés et les ouvriers ont un regard plus pragmatique sur la retraite et expriment moins de craintes mais également moins d’espoirs sur cette période.

Dans l’étude menée par Daniel Alaphilippe et al en 2001, 157 personnes ont été interrogées sur leurs craintes et leurs espoirs à l’approche de la retraite en remplissant un questionnaire avec leurs cinq principales craintes et leurs cinq principaux espoirs. Les craintes les plus exprimées concernent en majorité la peur de tomber malade, de perdre son autonomie, ses capacités physiques mais aussi de tout simplement vieillir. Viennent ensuite les craintes familiales, avec la nouvelle vie de couple ou les problèmes avec les enfants. Enfin, c’est l’aspect social qui ressort également avec une peur de perte de relations sociales, un sentiment de solitude mais aussi un manque d’occupation et une absence de projet. Cependant, les espoirs relevés dans cette étude par les participants sont sensiblement plus nombreux que les craintes ! Ce qui ressort majoritairement est l’opportunité d’être en forme, de s’occuper de son corps et de son bien-être, puis d’avoir du temps pour faire des activités, nouvelles ou anciennes, d’apprendre et de se cultiver. Les temps en famille, la vie de couple et les temps avec les petits-enfants sont également très attendus par les futurs retraités. C’est aussi le moment de se rendre utile aux autres et de développer ses liens sociaux. D’autres craintes et d’autres espoirs ont été suggérés pendant cette étude, chacun ayant un parcours et une personnalité différents. L’important est d’y réfléchir en amont.

Espoirs à la retraite : Lien social et randonnée

Au-delà des premières volontés post-retraites vite assouvies, il est important de penser à sa vie quotidienne sur le plus long terme. « Nombreux sont ceux qui rêvent de pouvoir enfin faire ce qu’ils veulent, se reposer, ne plus voir certains collègues, ne plus avoir à se lever le matin, ni être réveillé par la sonnerie du réveil. Mais, une fois que ces objectifs attendus, voire idéalisés par le manque de temps, sont atteints – la maison aménagée, le jardin entretenu, le sommeil récupéré – que reste-t-il à faire ? » (Emilie Lessard, 2018). Il revient à chacun de répondre à cette question du « que reste-t-il à faire », en prenant en compte ses espoirs et ses craintes, ce dont on a envie et non ce que la société ou nos proches nous demandent. “A chacun ses objectifs, seuls ou en combinaison : aimer, croire, être proche de sa famille, s’engager pour une cause, créer une activité, développer les relations avec les autres, laisser des traces pour le futur” (Bernaud et al, 2015). Une introspection est indispensable pour trouver un sens à sa nouvelle partie de vie pour faire face au changement et aux nouveautés.

L’histoire et les fondements de la retraite ont créé des stéréotypes qu’il est nécessaire de comprendre et dépasser pour vivre pleinement cette nouvelle étape de la vie. Selon son parcours professionnel, familial, personnel et social, c’est à chacun de réfléchir à sa manière de vivre sa retraite, en prenant en compte ses envies mais aussi en prenant en considération ses craintes pour atteindre, à sa manière, son bonheur.

Références bibliographiques :

Alaphilippe D., Gana K., Bailly N.., 2001, « Le passage à la retraite : craintes et espoirs », Connexions, n°76, p 29-40.

Bernaud J-L. et al., « Fondements théoriques du « sens de la vie » et du « sens du travail » », Psychologie de l’accompagnement. Concepts et outils pour développer le sens de la vie et du travail, p 5-40. 

Donnio I., 2016, « Est-il possible de rompre avec les représentations négatives du vieillissement ? », Gérontologie et Société  vol 38 / n°150, p 43-55.

Frain I.,  2019 « Un coin de bonheur terrestre », Le 1, n°274, p 3.

Lessard E., 2018, « Et si la retraite était d’abord une question de sens ? », Le Journal des psychologues n°354, p 45-48.

Puijalon B. et Trincaz J., 2000, « Le droit de vieillir », Paris, France : FayardVigouroux-Zugasti E.,  2014 « Quel regard sur les « vieux » », Communication et organisation, n°45, p 261-270.

Auteurs :

Aymeric de Trogoff

Aymeric de Trogoff

Co-fondateur de Jubiliz

Isabelle Donnio

Isabelle Donnio

Psychologue

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